Délaissant son sarcasme souvent paresseux, Ngijol embrasse avec respect mais sans déférence son Cameroun natal. En se réinventant commissaire de police à l'ancienne, il cartographie les errances politiques d'un pays qui emprunte autant qu'il rejette véhément les codes occidentaux. Un type ordinaire qui renfrogne sa brutalité pour protéger ses citoyens, autant qu'il l'exalte pour parvenir à ses fins dans les cas les plus sinueux. Une ambivalence ontologique, comme pour souligner la schizophrénie d'un peuple qui entend incarner la modernité africaine en même temps qu'il use des pires travers de la politique continentale.
Le prétexte scénaristique est ici le meurtre d'un collègue qui se trouvait au mauvais moment au mauvais endroit. En déroulant le fil d'une enquête somme toute classique, l'acteur cinéaste caractérise par sa mise en scène les paradoxes d'un pays plutôt au sommet de la prospérité économique africaine. Mais dont la corruption endémique infuse tout un pan sinistré de l'arrière pays. Une jeunesse désœuvrée en quête d'argent facile s'imprègne du grand banditisme pour terroriser les villages. Un pouvoir politique indigent s'en fait de dociles complices pour acheter une masquarade de paix sociale. Ce même pouvoir politique exige des résultats immédiats et du chiffre de ses forces de l'ordre pour mieux se gargariser de sa bonne tenue.
Se faisant, chacun est renvoyé à ses responsabilités et bien malin celui qui voudrait s'en accommoder. La durée relativement courte du film donne une plus grande intensité aux pérégrinations de ce monde interlope. La brutalité sèche de certaines séquences injectent une adrénaline particulières aux plans. Elle n'elude pas la violence, sans la subjuguer pour autant. L'équilibre est plutôt subtile, même si elle edulcore sans doute une réalité bien plus sombre. Le Polar/thriller s'essaie même aux accents de comédie, dans la gestuelle les mimiques et les tics de langage de Ngijol, soutenu par un accent Camerounais qui ne paraît pas factice. L'exercice se tient dans un bel équilibre.
Dans ses instants les plus mélancoliques, le film travaille la langue des aïeux dans un beau geste de transmission. La réalisation nerveuse laisse alors place à des cadres plus retenus. Les visages deviennent les réceptacles de l'inquiétude, et les nons dits captent des silences meutris. La famille dysfonnctionelle résiste vaillamment à la dislocation des liens, les fils sont moins insouciants qu'ils n'y paraissent et les filles/femmes restent les véritables matriarches sur qui reposent la pérennité d'un monde qui tend à disparaître. Un signe que les mentalités rétrogrades ne peuvent/doivent plus laisser libre cours à leurs toxicités malsaines? Au moins un espoir persistant pour le panafricanisme idéologique.