The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très fidèle en esprit et dans les détails avec le roman. Même si Mrs Muir a, dans le roman, deux enfants, un garçon et une fille. Même si la tonalité générale du roman est légèrement plus fantastique alors que celle du film est un peu plus romantique.

Ce film est un des premiers que réalisa Mankiewicz et déjà on sent ce qui caractérisera le cinéaste de "Eve", "la comtesse aux pieds nus" ou encore "le limier" à savoir :
- un scénario précis qui ne laisse rien au hasard. Il faut dire que Mankiewicz a déjà un long é de scénariste de talent chez Fritz Lang, Franck Borzage ..., Même si ce n'est pas lui qui a écrit le scénario, on peut toutefois supposer qu'il n'aurait pas laissé er la moindre faiblesse.
- une réalisation très fluide avec une caméra très mobile. Par exemple, on le voit très bien quand elle accompagne les yeux de Mrs Muir lorsqu'elle cherche d'où vient la voix ... Ou encore dans le jeu des contrastes ombre/lumière. Ou encore l'élégance pour signifier visuellement le age des années (le poteau gravé au nom d'Anna Muir)...

Autre chose qui caractérise ce film c'est la dignité. Il n' y a aucune mièvrerie qui était pourtant le risque d'un tel film. La relation qui s'établit entre Gregg et Mrs Muir est digne même si elle se teinte parfois d'une certaine ironie ; les personnages expriment un respect mutuel.
La scène entre Mrs Muir et l'épouse de Miles Fairley est aussi très digne ; pas de pathos que bien des films n'auraient pas su éviter.

Le film démarre sur un instant de froide révolte polie de Mrs Muir pour se transformer en une agréable et sympathique comédie avant de finir sur une réflexion douce sur la supériorité romantique du rêve sur la réalité. J'adore en particulier le glissement du film de la première partie dynamique où le fantôme du capitaine est, en quelque sorte, bien "réel" à la deuxième partie où "on" convient qu'il ne s'agit que d'un rêve jusqu'au moment - sublime - où sa fille lâche un retentissant "avec le capitaine Gregg ?" ... replaçant instantanément le film à la case départ et préparant ainsi l'inoubliable final ...

Bien entendu, le film est servi par une casting à la hauteur.
Mrs Muir interprétée par Gene Tierney qui est ici la féminité même. Certainement un des ses plus beaux rôles avec celui du "Ciel peut attendre" de Lubitsch ou "Laura" de Preminger. Le personnage évolue tout au long du film avec un point d'inflexion lorsque le capitaine Gregg décide : "I'll call you Lucia" ; dès lors, son visage s'illumine devant cette preuve d'amour virtuel.

Rex Harrison est le rugueux capitaine Gregg qui se laisse charmer par la douce Mrs Muir avant de valider sa présence "you can stay".
Je suis ici parce que vous croyez en moi. Continuez à le croire et je serais toujours réel pour vous
Rugueux mais facétieux quand il s'agit de chasser la belle famille ou l'agent immobilier. Profondément romanesque dans la belle scène où il s'adresse à Lucy en train de dormir pour lui rendre sa liberté et la persuader que tout ceci n'était qu'un rêve.

George Sanders est l'homme qui porte beau. Il tentera de séduire Mrs Muir mais malheureusement tout ce qui brille n'est pas de l'or. Ce type de personnage est assez habituel chez Georges Sanders ("Rebecca "...)

Nathalie Wood dans le rôle d'Anna enfant ; elle a, ici, à peine dix ans et venait de jouer dans "miracle sur la 34ème rue" ; on la retrouvera dans la "prisonnière du désert" mais surtout dans "West Side Story"

Le film est un chef d'œuvre du cinéma.
J'ai dit qu'il n'y avait ni pathos ni mièvrerie. Et pourtant, le film est chargé d'une émotion intense.
La réalisation de Mankiewicz est appuyée par une image N&B très réussie mais aussi par une musique de Bernard Herrmann qui en rajoute une bonne pincée d'émotion pas loin de piquer les yeux (de bonheur)